La médiation théâtrale utilisée à des fins psychothérapeutiques...
Pas de doute, la dramathérapie a le vent en poupe! Avec leurs «cousines» «musico-danse» et «art thérapie» (cette dernière renvoyant surtout aux arts plastiques), toutes ces pratiques ne cessent de se diffuser. Pour preuves: naissance d'une Association nationale de dramathérapie (AND), publication d'un «Que sais-je?» entièrement consacré au sujet (Théâtre et dramathérapie, par Jean-Pierre Klein, Éditions PUF), création récente d'un Master Sorbonne Paris Cité mention «arts thérapies».
Fini le temps où seuls les ateliers théâtre en institutions psychiatriques aidaient les patients en panne d'imaginaire.
Soigner émotionnellement
«Aujourd'hui, ce sont autant des metteurs en scène s'interrogeant sur le sens de leur art que des soignants - infirmiers, psychologues, etc. - désireux d'avoir un nouvel outil dans leur métier qui se forment à la dramathérapie », observe Sandrine Pitarque, elle-même metteure en scène et coresponsable pédagogique du Master dramathérapie de Sorbonne Paris Cité.
«Il faut dire que le panel de techniques et d'exercices permis par cet art est foisonnant»: improvisation, mise en scène de soi, échauffements corporels, mémorisation de textes. Tous les élèves acteurs savent combien cet art est formateur de la personne.
Thierry, aujourd'hui président d'une agence de communication, affirme s'être «soigné émotionnellement» grâce à un atelier d'art dramatique: «À 30 ans, ma vie tournait en rond. Une de mes collaboratrices m'a parlé d'un cours qui offrait une formation à raison d'une séance par semaine. Quand j'ai passé l'audition, tout de suite, le prof m'a regardé et m'a dit: Toi, tu es assis sur tes émotions. Bingo! En quelques minutes, il m'avait compris.» Thierry réalise alors combien il est muré dans un «personnage» depuis de longues années. Ces cours vont le libérer. «J'ai notamment appris à pleurer, moi qui n'avais jusque-là jamais versé une larme, confie-t-il. Alors que ma vie me semblait aride depuis toujours, j'ai ainsi pu me connecter à moi-même.»
Exprimer des émotions sans mots
Pour Sandrine Pitarque, ce lien technique aux émotions est l'un des apports fondamentaux de la médiation théâtrale. «Certains exercices se révèlent fondateurs, affirme-t-elle. Dire une même phrase avec des émotions différentes, accepter le regard empathique de l'autre sur soi» Et de citer le cas de cette adolescente qui ne savait s'exprimer que dans la colère. «La gestion émotionnelle étant vraiment très compliquée pour elle, nous lui avons appris à jouer la peur et la tristesse, raconte la dramathérapeute. Peu à peu, elle a pu incarner tout le panel et ainsi s'ouvrir à la relation.»
La scène peut aussi permettre d'exprimer ces émotions qu'on n'arrive pas à mettre en mots .
«Le lendemain des attentats de Charlie Hebdo, des adolescents, à Bondy (93), qui avaient passé leur nuit à visionner les vidéos des assassins ont souhaité jouer les rôles des terroristes, se souvient Sandrine Pitarque. C'était pour eux une manière de mettre à distance ces images trop fortes.»
Pour Thierry, l'aventure théâtrale a pris de nouvelles formes avec une inscription dans un atelier municipal. «Là, j'ai appris à déclamer seul sur scène des textes de 8 ou 10 pages, et le professeur m'a expliqué comment dire une phrase en pensant - vraiment - à chaque mot. Cela m'a passionné et, cette fois-ci, cela m'a connecté aux autres et à la sensation inégalable de transmettre des émotions à des gens qu'on ne connaît pas .» Oui, l'initiation permise quand on «joue» sur scène semble inégalable.
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